samedi 19 septembre 2015

Paradis amer de Tatamkhulu Afrika






















Éditeur : Presses de la cité
Parution : 02/09/2015
Nombre de pages : 295
Traduction : Georges-Michel Sarotte
Genre : roman autobiographique

L'auteur :
















Poète et écrivain, Tatamkhulu Afrika (1920-2002) est né en Egypte d'un père égyptien et d'une mère turque. Ses parents meurent lorsqu'il est encore enfant, il est alors recueilli par des amis de la famille en Afrique du sud. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, tandis qu'il se bat en Afrique du Nord, il est fait prisonnier à Tobrouk, en Libye ; c'est cette expérience qui sera à l'origine de la rédaction de Paradis amer. De retour dans son pays d'adoption, il devient fervent militant anti-apartheid, et se retrouve enfermé pendant onze ans dans la même prison que Nelson Mandela. 

Quatrième de couverture : 

"Un livre extraordinaire, comme l'on en voit peu. Un texte qui doit être lu, étudié, et aimé. Une véritable œuvre d'art. 

"New York Journal of Books" 

Un vieil homme, Tom Smith, reçoit une lettre et un colis de la part d'une personne qu'il n'a pas vue depuis cinquante ans : Danny, qui fut prisonnier avec lui pendant la Seconde Guerre mondiale, en Afrique du Nord. Dans cette intimité contrainte, tous deux se surprirent à ressentir l'un pour l'autre de forts sentiments qui les aidèrent à supporter les terribles conditions de détention, mais qui furent aussi source de conflits violents et passionnés... 
Roman autobiographique, Paradis amer nous plonge avec virtuosité dans l'atmosphère d'un camp de prisonniers et évoque avec finesse la fatigue des corps, mais aussi la naissance du désir.

"Paradis amer est incisif et lyrique, caustique et émouvant. C'est une lecture enivrante." 

Christos Tsiolkas

Mon avis :

Alexandre Soljenitsyne disait "Souvent, dans le grouillement pénible des camps, dans les colonnes de prisonniers, lorsque les guirlandes de lanternes percent les ténèbres des frimas nocturnes, jaillissaient au-dedans de nous les mots que nous aurions voulu crier au monde, si le monde extérieur avait pu nous entendre." Des maux terribles que Tatamkhulu Afrika n'hésitera pas à expulser et qui donneront naissance à des mots forts, poignants, sous la forme de son roman autobiographique "Paradis amer". 

L'auteur nous livre toute crue son expérience de prisonnier de guerre. Nuls pleurs et atermoiements, seulement une réalité brute que subissent des hommes arrivés au point culminant de leur virilité, gorgés de testostérone et qui se retrouvent malgré eux parqués comme des animaux, privés de toute humanité et qui doivent taire leurs désirs, sous peine de la sentence de leurs semblables. La faim qui tenaille le ventre, les punaises qui grignotent la peau et les nuits, l'abstinence d'amour qui les ronge tout autant que les morpions qui viennent se loger au creux de leur intimité... Alors ils essaient de se recréer un petit paradis, ils rejouent les pièces de  Shakespeare au milieu d'une terre aride qui broie leurs cœurs et leurs muscles... Et la tragédie n'est jamais bien loin ! Au milieu de ce chaos naîtra une amitié amoureuse qui résistera aux balles de l’ennemi, celle de l'auteur et de son ami Danny. Un ami qui n'hésitera pas (malgré la faiblesse de ses jambes) à porter son ami sur son dos, faisant fi de son épuisement et parcourant de nombreux kilomètres afin d'éviter une mort certaine à son compagnon de galère !

Malgré l'âpreté du récit, j'ai dévoré ce texte, vibrant de sensibilité et de poésie, non sans ressentir une certaine gêne à la lecture de certains passages, tellement l'auteur dévoile son intimité et livre ses sentiments sans retenue (bien qu'en toute pudeur).
Ce que je retiendrais de cette lecture ? Des écrits qui cognent, une plume caustique et ensorcelante, un récit à la fois terrible et plein d'espoir, qui nous fait dire que  la plus belle des fleurs peut éclore au milieu du purin !

Un extrait :

Il dispose dans l'allée ses peintures et son chevalet pliant fabriqué par lui-même, bloquant ainsi la circulation, ce qui semble ne gêner personne, puis "fait" mon œil gauche, sa main normalement si tremblante à présent compétente et assurée. Je demande si je peux voir la peinture et il me regarde comme si j'étais toqué, avant de hausser les épaules. Ce que je vois m'épouvante.

- Pourquoi est-ce que je louche d'un œil et où est la peau de mon visage ?

Patiemment, comme s'il parlait à un enfant, il explique :

- L'œil qui bigle est ton mauvais œil. Nous sommes tous ange et démon, comme tu sais. Et ton visage n'a pas de peau parce que je ne peins pas ta peau. Je peins ce qui se trouve sous ta peau, ta vraie personnalité que tu ne veux pas que je vois.




Merci aux éditions "Presses de la cité" et à "Babelio" pour cette découverte.

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