dimanche 26 janvier 2014

La déesse des petites victoires de Yannick Grannec






















Éditeur : Pocket
Parution : 2 janvier 2014
Nombre de pages : 539
Genre : Littérature française

L'auteure :

















Graphiste de métier et designer industriel de formation, Yannick Grannec qui vit à Saint-Paul-de-Vence est passionnée par les mathématiques. Un engouement qui l'a conduit à écrire cette biographie romancée du mathématicien Kurt Gödel narrée par sa veuve, Adèle. 
Avec ce premier roman, l'auteure s'est vu décerner le prix des libraires, en mars 2013.

Quatrième de couverture : 


1980. Deux ans après la mort de Kurt Gödel  l'un des plus grands mathématiciens du siècle, ses archives dorment encore dans des cartons. Mandatée par l'université de Princeton pour les récupérer, une jeune documentaliste se voit contrainte de charmer sa veuve, femme acariâtre à présent recluse. Anna Roth comprend vite que, pour gagner sa confiance, il lui faut écouter ce que personne n'a jamais voulu entendre.

De la Vienne des années folles à l'Amérique maccarthyste, Adèle Gödel lui narre peu à peu une histoire d'amour jalonnée de petites victoires - sur les préjugés, l'horreur nazie, la folie inhérente au génie... Une passion absolue avec laquelle il a fallu vivre.

"Une femme aimante + un mathématicien surdoué = un couple infernal et un sujet de roman magistral". (Olivia de Lamberterie - Elle)

Mon avis : 

"Il n'y a point de génie sans un grain de folie" disait Aristote. Le mathématicien Kurt Gödel et son épouse Adèle n'ont semble-t-il pas échappés à cette règle. A travers cette biographie romancée, Yannick Grannec nous fait revivre les amours de deux êtres aussi dissemblables que le jour et la nuit qui vont poursuivre leurs chimères jusqu'au bout, sans jamais trancher entre raison et passion, faisant fi de la logique du plus grand nombre.

Autriche 1928, cinq heures du matin. Adèle, divorcée et âgée de vingt-sept, fille d'un photographe de quartier, rentre du "Nachtfalter"*, le cabaret où elle danse et tient le vestiaire. Kurt de sept ans son cadet, étudiant en doctorat et fils d'un riche industriel, se promène à l'aube, perdu dans ses rêveries. Réunis par le hasard, ils vivront dix ans d'une liaison honteuse et clandestine, avant de s'unir pour le meilleur et pour le pire. Après avoir renié leurs amours, la famille Gödel s’incline finalement à tolérer cette union, trouvant en Adèle le meilleur paravent et soutien de Kurt contre la folie, qui va gagner petit à petit du terrain sur cet homme à la santé fragile. 
Anschluss 1938, les intellectuels se voient brimés par les nazis et la situation devient de plus en plus dangereuse pour Kurt et ses pairs. En 1940, c'est enfin l'exil, le couple parviendra à fuir l'Autriche, traversant la Sibérie et le Japon pour enfin rejoindre les Etat-Unis. 
Leur destination finale : Princeton, un microcosme qui va réunir une brochette des plus grands scientifiques du XXème siècle : Einstein, Pauli, Morgenstern, Von Neumann et Oppenheimer...  
Doylestown 1980, la jeune documentaliste Anna Roth se voit chargée de rentrer dans les bonnes grâces de la veuve irascible qui finit ses derniers jours en maison de retraite, afin de récupérer les archives du grand mathématicien. Une amitié improbable va naître entre la jeune femme réservée et la vieille dame au caractère bien trempé. 
Avec pour toile de fond la montée puis les dures heures du nazisme, la fuite des cerveaux, la guerre froide, Adèle raconte cinquante ans d'une vie ponctuée de joies et de désillusions, la difficulté de vivre avec un génie neurasthénique et hypocondriaque, qui au soir de sa vie ne se nourrissait plus que d'un œuf et d'une cuillerée de thé par jour (non sans les avoir longtemps tripotés et boudés avant d'enfin les avaler). Le roman relate également l'incroyable amitié entre un Einstein volubile, gourmand de la vie et débordant de vitalité, et un Kurt Gödel enfermé dans son mutisme et ses obsessions de la théorie du complot, tous deux réunis par leur goût commun pour de longues promenades... 

Sous la plume alerte et débordante d'humour de l'auteure, j'ai plongé avec délice dans l'univers torturé et fascinant d'un des plus brillants mathématiciens du vingtième siècle. Parsemé d'anecdotes véridiques et amusantes, ce récit qui aurait pu tomber dans la biographie barbante, se révèle une lecture aussi distrayante qu'enrichissante. Chapeau bas Yannick Grannec !

* "Papillon de nuit."

Un extrait :

"-J'ai un cadeau pour toi.
Il sortit de sa pochette glissée sous le lit deux pommes, rouges et bien lustrées. Au couteau, il avait gravé sur l'une "220", sur l'autre "284".
- Est-ce notre compte de vies antérieures ? Un de nous deux a pris de l'avance.
- Je mangerai "220", toi, "284".
- Tu choisis toujours le plus léger.
- Tais-toi un peu Adèle. C'est une coutume arabe. 220 et 284 sont des nombres amiables, des nombres magnifiques. Chacun est la somme des diviseurs de l'autre. Les diviseurs de 284 sont 1,2,4,71 et 142. Leur somme est égale à 220. Les diviseurs de...
- Assez, c'est trop de romantisme, mon crapaud, je vais me pâmer !
- On connaît seulement 42 paires inférieures à 10 000 000.
- Cesse, je te dis !
- On ne sait démontrer si leur nombre est infini. On n'a jamais trouvé de couple pair/impair.
Je lui mis la pomme en bouche. En croquant la mienne, j'avais la nostalgie de cet instant ; de ce que nous ne serions plus : des enfants beaux et stupides, étrangers à tout, sauf à nous-mêmes. Ce fut le plus précieux cadeau qu'il ne me fît jamais. J'ai gardé les pépins dans une boîte à bonbons du café Demel." 


Kurt Gödel et Albert Einstein
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2 commentaires:

  1. Malgré l'intérêt de ce roman, j'en ai assez peu apprécié l'écriture, un peu froide à mon goût.

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  2. Des passages intéressants et une écriture fluide, mais trop de longueurs! Et la partie plus contemporaine m'a moins captivé, il faut dire que l'héroïne m'a paru particulièrement fadasse! Bref, une lecture un peu mitigée de mon point de vue, même si elle apporte son lot de bons moments.

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