vendredi 18 novembre 2011

Le vrai monde de Natsuo Kirino























Editeur : Points
Parution : 29/09/2011
Traduction : Vincent Delezoide
Nombre de pages : 255
Genre : Littérature japonaise


L'auteur  :




Natsuo Kirino naît en 1951, sous le nom de Mariko Hashioka, à Kanazawa au Japon. Elle commence à écrire en 1989 sous le pseudonyme de Noemi Nobara, avant d'adopter définitivement celui de Natsuo Kirino en 1993. Elle est l'auteur d'une dizaine de romans dont “Disparitions” publié en 1999 au Japon, pour lequel elle a reçu le prix Naoki . Son roman “Out“ a été couronné par le Grand Prix de littérature policière du Japon. Ces deux derniers romans parus aux éditions du seuil sont “Le vrai monde” (2010) et “Intrusion” (2011).

Quatrième de couverture :

Quel adolescent n'a jamais rêvé de tuer sa mère ? Le « Lombric » a osé... avec une batte de base-ball. Ça arrive de péter les plombs, non ? Surtout à Tokyo. Pour quatre lycéennes, c'est même fascinant. En aidant le Lombric à fuir, elles vont découvrir une part insoupçonnée d'elles-mêmes. Et si, dans la réalité, le meurtrier n'était pas toujours le plus pervers ? Bienvenue dans le vrai monde.

Mon avis :

"Le vrai monde" nous décrit le quotidien d'adolescents en pleine dérive. Perte des valeurs, perte des repères, ils vivent dans une jouissance que l'on pourrait qualifier d'autistique, chacun étant centré dans sa bulle, un monde à part peuplé de fantasmes imaginaires qui leurs permettent de s'évader d'un quotidien trop lourd : pressions aux examens, exigences parentales démesurées, course à la réussite.
Toschiko Yamanaka alias Nina Hori, Yuzan, Kirarin et Terauchi, quatre lycéennes, s'inventent un monde à part, de nouvelles identités pour fuir "le vrai monde" : "Dans notre groupe de quatre filles, tout le monde a un deuxième nom inventé dont on se sert quand on loue un box de karaoké. Faut faire bien gaffe, nous dit toujours Terauchi, sinon on va finir dans une base de données. Et après, les adultes nous contrôleront." 
Leur petit groupe va être bouleversé par un événement tragique. Le Lombric, voisin de Toschiko, élève médiocre d'un collège privé prestigieux, va assassiner froidement sa daronne car il ne supporte plus ses critiques incessantes. Les quatre adolescentes que la situation intrigue et fascine, vont devenir les complices de l'adolescent coupable de ce matricide et couvrir sa fuite. L'une d'elle ira jusqu'à l'accompagner dans sa dérive. On assiste, impuissants, à une dramatique et inéluctable descente aux enfers dont aucun des adolescents ne sortira indemne.
Natsuo Kirino nous brosse comme dans ses précédents romans, le portrait d'une société japonaise en pleine déliquescence. Dans ce dernier, il est question d'une jeunesse nippone nourrie aux mangas et aux jeux vidéo qui n'arrive plus à faire la distinction entre le monde réel et le monde imaginaire : "Vous ne comprenez donc pas ? avais-je envie de lui dire. C'était comme un jeu entre le lombric et nous. Et le meurtre de votre femme faisait partie de ce jeu auquel nous nous sommes amusées."

Une fois de plus Madame Kirino m'a bluffée par sa plume froide et incisive, toujours aussi subtile et élégante. Je conseillerais cependant à ceux qui ne connaissent pas l'auteur et qui souhaitent faire une incursion dans son univers de commencer par lire l'excellent "Out" qui reste à mon sens, le roman incontournable de l'auteur.

Un extrait :

"Il paraît qu'il va au lycée de K. Un lycéen de K. qui a tué sa mère. Ça suffit pour faire de lui un héros. Il a l'air assez imbu de lui-même. T'imagines un peu ? Il est en dernière année et suffisamment remonté pour tuer sa mère.
Le ton est sarcastique tandis qu'il fait défiler les pages du site d'un geste bien rodé. L'école où il est inscrit est un établissement privé un cran au-dessous du lycée de K.
- C'est un héros parce qu'il est au lycée de K. ?
Yukinari crache sa réponse :
- Parce que c'est un gosse d'élite déchu.
Sur le forum du site figure un fil de discussion intitulé Soutien pour A, le garçon qui a tué sa mère. Il y a une tonne de commentaires à la noix prétendant que leur auteur l'a aperçu : "Je l'ai vu en vélo sur la nationale 18." "Un mec qui lui ressemble feuilletait des revues pornos dans une supérette à Kochi." "Je l'ai vu dans des bains publics en train de se laver le dos." "Il était à Disneyland déguisé en Dingo." Il y a aussi quelques commentaires irresponsables qui le soutiennent, du genre : "J'espère que tu leur échapperas. Je suis avec toi."
Je comprends que ces supporters ont exactement les mêmes idées que Yuzan : des sentiments égocentriques doublés d'une compassion complaisante.
De toute façon, je ne pige pas pourquoi tous ces gens l'encouragent.
- Peut-être qu'ils le soutiennent parce qu'il essaie de s'enfuir en vélo ? dis-je à mon frère.
- Peut-être bien. Il est quand même un peu puéril.
Yukinari fait glisser prestement sa souris, des pages entières défilent. Tout à la fin on peut lire ceci : " Question. Pourquoi tu n'as pas tué ton père tant que tu y étais ? Hi, hi, hi ... " Tout de suite après, une réponse de quelqu'un prétendant être A, l'intéressé. " Il y a déjà quelqu'un qui a tué ses deux parents avec une batte de base-ball. Étant élève au lycée de K., mon orgueil ne me permet pas de commettre un crime inspiré par un autre. " Yukinari me montre la question du doigt.
- C'est moi qui ai écrit celle-là, dit-il.
- Tu veux dire que tu veux tuer Papa ?
- Un peu de logique, quand même ! dit-il énervé."

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2 commentaires:

  1. A nouveau, super étude de ce livre et qui donne envie de le découvrir. Je tâcherai donc de commencer par Out pour m'immicer dans l'univers de cet auteur... dès que je peux (j'ai trop de livres à lire pour l'instant.
    Bonne continuation.

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  2. Très heureuse de partager mes lectures et de susciter l'envie de les découvrir ! Dans la lignée des auteurs nippons contemporains incontournables, j'apprécie aussi beaucoup l'oeuvre de Ryu Murakami...

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