Éditeur : Michel LAFON
Parution : 18/10/2012
Nombre de pages : 424
Genre : littérature française (biographie romancée)
L'auteure :
Irène Frain née le 22 mai 1950 à Lorient est agrégée de lettres classiques. Cette romancière qui est également historienne est l'auteur de nombreux romans et biographies dont "Gandhi, la liberté en marche" (2007), "Les Naufragés de l'île Tromelin" (2009) un ouvrage couronné par le Grand Prix de l'Académie de Marine 2010 ainsi que le Grand Prix Palatine du Roman Historique 2009 et "La Forêt des 29" (2011).
Quatrième de couverture :
1947. Rencontre improbable. À Chicago, Simone de Beauvoir, icône de l'existentialisme et compagne de Jean-Paul Sartre, fait la connaissance de Nelson Algren, l'écrivain des damnés de l'Amérique. Dès le premier échange, c'est le choc. Dès le deuxième rendez-vous, la passion.
«Nelson en oublia sa part d'ombre. Et Simone, le froid de l'âme où elle avait vécu jusque-là.»
Puis vinrent les tourments. L'emprise de Sartre, les pièges du succès pour l'un, de la gloire pour l'autre, le désir vacillant sous le poids des contingences. Mais ils auront beau se déchirer pour trouver le courage de rompre, jusqu'à la mort ils se hanteront mutuellement.
S'appuyant sur leurs oeuvres respectives, sur des archives souvent inédites, des photos d'époque et des récits de témoins, Irène Frain raconte de façon unique l'histoire d'amour impossible entre la figure de proue de la libération des femmes et le mauvais garçon de la littérature américaine.
«Nelson en oublia sa part d'ombre. Et Simone, le froid de l'âme où elle avait vécu jusque-là.»
Puis vinrent les tourments. L'emprise de Sartre, les pièges du succès pour l'un, de la gloire pour l'autre, le désir vacillant sous le poids des contingences. Mais ils auront beau se déchirer pour trouver le courage de rompre, jusqu'à la mort ils se hanteront mutuellement.
S'appuyant sur leurs oeuvres respectives, sur des archives souvent inédites, des photos d'époque et des récits de témoins, Irène Frain raconte de façon unique l'histoire d'amour impossible entre la figure de proue de la libération des femmes et le mauvais garçon de la littérature américaine.
« Il m'arrive quelque chose - qu'est-ce qui m'arrive ? » En ce début d'année 1947, Simone de Beauvoir se réveille fréquemment en étant la proie de nombreux cauchemars desquels ne lui reste que cette phrase qui vient la hanter constamment. Il faut dire qu'à cet époque, elle est tourmentée par les affres de la jalousie car Jean-Paul Sartre la délaisse pour Dolorés Vanetti, une italo-américaine qui restera l'un des plus grands amours du pape de l'existentialisme après Simone de Beauvoir. Celle que cette dernière surnommera d'ailleurs : "la Maudite".
Cet épisode malheureux va précipiter son départ vers l'Amérique où elle doit donner une série d'interviews et de conférences et la pousser dans les bras de l'écrivain Nelson Algren. Cet ouvrage d'Irène Frain retrace de façon romancée, la passion tumultueuse que vont vivre ces deux êtres qu'à priori tout séparait : les continents, l'origine sociale ainsi qu'une vision diamétralement opposée de la vie et du monde de la littérature !
On connaît tous Simone de Beauvoir, surnommée le Castor par ses pairs, une figure essentielle de la philosophie existentialiste et la compagne au long cours de Jean-Paul Sartre. En revanche, qui était Nelson Algren ? Issu d'un milieu modeste, Nelson se décrivait lui-même comme un "écrivain du réel". Passionné par le jeu, la boxe et l'alcool, il vit dans un deux pièces misérable du nord de Chicago quand il rencontre Simone. Il aime fréquenter les bouges du quartier Wabansia où il a élu domicile, et où traîne une foule de paumés en tous genres auprès desquels il puise son inspiration et déniche par la même occasion, ses conquêtes éphémères. Nelson "l'homme-chat" se comporte au quotidien comme l'animal : « il bouge en chat, observe en chat, d'un oeil aussi précis que les chats, et parfois aussi fixe. Il entretient son mystère, comme les félins. Et sait comme eux se rendre invisible, sauf si on s'approche de sa machine à écrire : il devient alors aussi féroce qu'un matou dont on menace le territoire. Il est fou de chats, comme Baudelaire, son maître en littérature. Et partage son goût de l'errance au fond des jungles urbaines, là où nul vivant ne se risque, hors les maudits de la terre, les fous, les poètes, les rats et les chats. »
Il n'a que deux passions, les machines à écrire et son chat Doubleday, un matou à l'appétit vorace auquel il voue un véritable culte. Son amour des machines à écrire l'a d'ailleurs conduit tout droit en prison, le jour où pressé par la tentation, il en a volé une. Un larcin qui reste l'épisode le plus traumatisant de sa vie, car il a dû partager sa cellule avec des assassins. Depuis, il est sujet à de fréquents accès de mélancolie, ce qu'il appelle la maudite sensation, un mal qui le ronge régulièrement et qui l'a déjà conduit à faire une tentative de suicide suivie d'un séjour en hôpital psychiatrique.
A son contact le Castor va se métamorphoser, la femme froide aux allures d'institutrice revêche et au chignon strict devient Simone l'épicurienne intrépide, celle qui n'a pas peur de boire sec comme un homme, de manger comme une ogresse, de dénouer ses cheveux et de se risquer à l'aventure dans les entrailles des bas-fonds de Chicago.
Ce récit relate leur passion tout aussi dévorante que destructrice, leurs amours, leurs errances, leurs déchirements, une histoire qui durera le temps de trois printemps et un été et qui se poursuivra par des échanges épistolaires quatorze ans durant...
Je ressors réellement conquise par la lecture de ce récit, passionnant de bout en bout, riche en anecdotes inédites, l'auteure nous fait découvrir une facette totalement inconnue et surprenante de la grande philosophe . Irène Frain posséde un vrai talent de conteuse, sa plume enivrante sait se faire tour à tour tendre, mordante, passionnée, ironique et colorée. J'ai apprécié la richesse des descriptions, que ce soit les décors passés à la loupe ou encore l'immersion dans les pensées profondes des personnages. La narration est vivante, on peut suivre simultanément les dialogues intérieurs, les ruminations et les émotions ressenties par Simone et Nelson et du coup, on a l'impression que leur aventure se déroule sous nos yeux. Ce roman nous fait aussi voyager, du nord des États-Unis au fin fond du Mexique, des caves enfumées de Saint-Germain-des-Prés aux Flop-houses de Chicago parmi les damnés de l'humanité, à pied, par avion ou en taxi, l'épopée est riche en mouvements et en sensations.
Ce roman est pour moi un véritable coup de coeur dont je recommande vivement la lecture. Que vous soyez admiratifs ou non de l'oeuvre de la célèbre philosophe existentialiste n'a guère d'importance, car ce récit est avant tout l'histoire d'une magnifique passion avec tout ce qu'elle peut comporter de magique et de tragique !
Un extrait :On connaît tous Simone de Beauvoir, surnommée le Castor par ses pairs, une figure essentielle de la philosophie existentialiste et la compagne au long cours de Jean-Paul Sartre. En revanche, qui était Nelson Algren ? Issu d'un milieu modeste, Nelson se décrivait lui-même comme un "écrivain du réel". Passionné par le jeu, la boxe et l'alcool, il vit dans un deux pièces misérable du nord de Chicago quand il rencontre Simone. Il aime fréquenter les bouges du quartier Wabansia où il a élu domicile, et où traîne une foule de paumés en tous genres auprès desquels il puise son inspiration et déniche par la même occasion, ses conquêtes éphémères. Nelson "l'homme-chat" se comporte au quotidien comme l'animal : « il bouge en chat, observe en chat, d'un oeil aussi précis que les chats, et parfois aussi fixe. Il entretient son mystère, comme les félins. Et sait comme eux se rendre invisible, sauf si on s'approche de sa machine à écrire : il devient alors aussi féroce qu'un matou dont on menace le territoire. Il est fou de chats, comme Baudelaire, son maître en littérature. Et partage son goût de l'errance au fond des jungles urbaines, là où nul vivant ne se risque, hors les maudits de la terre, les fous, les poètes, les rats et les chats. »
Il n'a que deux passions, les machines à écrire et son chat Doubleday, un matou à l'appétit vorace auquel il voue un véritable culte. Son amour des machines à écrire l'a d'ailleurs conduit tout droit en prison, le jour où pressé par la tentation, il en a volé une. Un larcin qui reste l'épisode le plus traumatisant de sa vie, car il a dû partager sa cellule avec des assassins. Depuis, il est sujet à de fréquents accès de mélancolie, ce qu'il appelle la maudite sensation, un mal qui le ronge régulièrement et qui l'a déjà conduit à faire une tentative de suicide suivie d'un séjour en hôpital psychiatrique.
A son contact le Castor va se métamorphoser, la femme froide aux allures d'institutrice revêche et au chignon strict devient Simone l'épicurienne intrépide, celle qui n'a pas peur de boire sec comme un homme, de manger comme une ogresse, de dénouer ses cheveux et de se risquer à l'aventure dans les entrailles des bas-fonds de Chicago.
Ce récit relate leur passion tout aussi dévorante que destructrice, leurs amours, leurs errances, leurs déchirements, une histoire qui durera le temps de trois printemps et un été et qui se poursuivra par des échanges épistolaires quatorze ans durant...
Je ressors réellement conquise par la lecture de ce récit, passionnant de bout en bout, riche en anecdotes inédites, l'auteure nous fait découvrir une facette totalement inconnue et surprenante de la grande philosophe . Irène Frain posséde un vrai talent de conteuse, sa plume enivrante sait se faire tour à tour tendre, mordante, passionnée, ironique et colorée. J'ai apprécié la richesse des descriptions, que ce soit les décors passés à la loupe ou encore l'immersion dans les pensées profondes des personnages. La narration est vivante, on peut suivre simultanément les dialogues intérieurs, les ruminations et les émotions ressenties par Simone et Nelson et du coup, on a l'impression que leur aventure se déroule sous nos yeux. Ce roman nous fait aussi voyager, du nord des États-Unis au fin fond du Mexique, des caves enfumées de Saint-Germain-des-Prés aux Flop-houses de Chicago parmi les damnés de l'humanité, à pied, par avion ou en taxi, l'épopée est riche en mouvements et en sensations.
Ce roman est pour moi un véritable coup de coeur dont je recommande vivement la lecture. Que vous soyez admiratifs ou non de l'oeuvre de la célèbre philosophe existentialiste n'a guère d'importance, car ce récit est avant tout l'histoire d'une magnifique passion avec tout ce qu'elle peut comporter de magique et de tragique !
"Nelson - fatal aussi - a pris le parti de Doubleday. Il s'est interposé entre les protagonistes puis, à son tour, a donné de la voix. Il a hurlé à Simone que, pour ses bas Nylon, c'était bien fait, vu qu'elle n'avait aucun sens de l'ordre ni du ménage. A preuve, la façon qu'elle avait de s'avachir à longueur de temps sur la courtepointe mexicaine pour lire ou se faire les ongles, tandis que lui passait la serpillière sur le lino, faisait la bouffe, la vaisselle, pourquoi pas le repassage de Madame, tant qu'on y était ?
Elle s'est aussitôt dressée sur ses ergots, avec la même voix acide que le soir où elle l'avait appelé depuis le Palmer : « Le ménage, ah non ! Pas ce coup-là ! Le ménage, c'est l'ordre bourgeois ! Je comprends maintenant pourquoi vous n'arrivez pas à le finir, votre roman ! Moi, des lustres que j'ai envoyé promener toutes ces histoires de ménage ! Le prolétariat... »
« Boutonnez vos lèvres ! » a aussitôt vociféré Nelson.
« J'en sors, moi de chez les prolos ! Pas plus propre qu'un ouvrier, figurez-vous, pas plus soucieux du ménage ! Pour la bonne raison que le ménage, c'est la propreté, c'est la dignité ! Et la dignité, le seul trésor des pauvres ! »
Mais dans la seconde, il s'est retrouvé face à la sèche institutrice du Palmer : « Je ne vous ai pas parlé de propreté, j'ai tout simplement posé la question de l'ordre et du désordre et de leur rôle respectif dans... »
Une fois encore, il ne l'a pas laissé finir : « Et moi, j'ai posé la question de votre foutoir ! Et de mon chat ! Vous n'avez pas à traiter Doubleday comme ça ! »
Et d'un grand coup de pied dans la valise, il a envoyé valdinguer à l'autre bout de la chambre ce qui restait de ses bas Nylon.
A sa grande stupeur, elle a fait comme si elle n'avait rien vu. L'oeil sec, la main froide, elle s'est emparée de son sac et des journaux qu'elle lui avait demandé de lui garder afin qu'elle puisse finir son livre sur l'Amérique. Puis elle est allée s'installer sur le lit, s'est calée le dos aux oreillers, aussi confortablement que lorsqu'elle prenait son petit déjeuner. Et elle s'est mise à lire en prenant, de temps à autre, des notes dans son carnet.
Elle travaillait. Le front pensif mais souverain. Hors d'atteinte, à l'intérieur d'un cercle minuscule, gardée par un rempart invisible et rigoureusement infranchissable. Une autre femme."
Simone de Beauvoir and Nelson Algren, Chicago, 1950. Photo by Art Shay. |
Je remercie Babelio et les Éditions Michel LAFON pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique de la rentrée 2012.
J'ai la possibilité de le lire sur un club de lecture. Ton avis me donne envie de le choisir pour la prochaine fois. Merci
RépondreSupprimerIntéressant et divertissant, un très bon moment de lecture !
RépondreSupprimerJ'aime le genre des biographies romancées, qui peut être moins aride que des biographies d'historiens.
RépondreSupprimerJ'ai lu ce livre l'année dernière. Il est vraiment bien ! J'ai adoré :)
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