Éditeur : Seuil
Parution : 14/08/2019
Nombre de pages : 460
Genre : littérature française
L'auteur :
Né en 1983, Vincent Message est professeur et maître de conférences à l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis.
"Cora dans la spirale" est son troisième roman, après "Les Veilleurs" (Seuil, 2009), lauréat du prix Virgin-Lire, et "Défaite des maîtres et possesseurs" (Seuil, 2016), récompensé par le prix Orange du livre.
"Cora dans la spirale" est son troisième roman, après "Les Veilleurs" (Seuil, 2009), lauréat du prix Virgin-Lire, et "Défaite des maîtres et possesseurs" (Seuil, 2016), récompensé par le prix Orange du livre.
Quatrième de couverture :
Après avoir donné naissance à une petite fille, Cora Salme reprend son travail chez Borélia. La compagnie d'assurances vient de quitter les mains de ses fondateurs, rachetée par un groupe qui promet de la moderniser. Cora aurait aimé devenir photographe. Faute d'avoir percé, elle occupe désormais un poste en marketing qui lui semble un bon compromis pour construire une famille et se projeter dans l'avenir. C'est sans compter qu'en 2010, la crise dont les médias s'inquiètent depuis deux ans rattrape brutalement l'entreprise. Quand les couloirs se mettent à bruire des mots de restructuration et d'optimisation, tout pour elle commence à se détraquer, dans son travail comme dans le couple qu'elle forme avec Pierre. Prise dans la pénombre du métro, pressant le pas dans les gares, dérivant avec les nuages qui filent devant les fenêtres de son bureau à La Défense, Cora se demande quel répit le quotidien lui laisse pour ne pas perdre le contact avec ses rêves.
À travers le portrait d'une femme prête à multiplier les risques pour se sentir vivante, Vincent Message scrute les métamorphoses du capitalisme contemporain, dans un roman tour à tour réaliste et poétique, qui affirme aussi toute la force de notre désir de liberté.
Mon avis :
Bien insérée socialement et professionnellement, Cora est une jeune maman épanouie dans son couple, qui aime goûter les plaisirs simples qui font le sel de la vie. Son congé maternité s'achevant, cette dernière doit reprendre son poste au sein de la société d'assurances qui l'emploie depuis trois ans.
A son retour au début de l'automne 2010, Cora a la surprise de retrouver une entreprise en pleine restructuration. En effet, Borélia est en plein virage stratégique. Pour parvenir à l'équilibre, la nouvelle direction envisage un programme de réduction des coûts. Les rênes de cette réorganisation interne sont laissés à un cabinet d'audit. Un changement de cap radical pour la société auvergnate paternaliste née à la fin de la seconde guerre mondiale, qui va quitter l'immeuble Haussmannien qui abritait son personnel pour un open space à la Défense. S'appuyant sur les recommandations d'un cabinet de conseil, la nouvelle direction entreprend de partir à la chasse aux poids morts. Des têtes doivent tomber et le rouleau compresseur est en marche !
Lever de rideau, le drame en trois actes peut commencer. Sous la plume clinique et détaillée de Mathias, le narrateur de ce récit qui s'inspire de la lecture des trente carnets de Cora et du témoignage des divers acteurs de cette histoire, le lecteur va assister impuissant au déroulement inéluctable d'une tragédie moderne, de ses prémices à sa terrible apogée...
Revisitant le mythe d'Orphée et Eurydice, Vincent Message dépeint la descente aux enfers d'un couple confronté à l'impitoyable jungle du monde du travail d'aujourd'hui. Avec beaucoup de justesse et sans jamais tomber dans le pathos, l'auteur brosse la chronique d'un monde cruel où l’intérêt des plus vulnérables est sacrifié sur l'autel du profit.
Tableau social implacable d'une humanité en pleine mutation, ce roman percutant lève le voile sur les violences insidieuses mais bien réelles que peuvent infliger nos sociétés contemporaines !
Un extrait :
Depuis quelques années, les enfants de l’après-guerre faisaient valoir leurs droits à la retraite. Longtemps, on s’était plu à répéter que ce départ massif ferait enfin baisser le chômage. Cora avait entendu ça toute son adolescence. Sur le papier, c’était logique et ça donnait de l’espoir. Dans la réalité ça ne s’était pas passé comme ça. Les industries semblaient s’être envolées sans retour vers des pays où les gens étaient prêts à se laisser réduire en quasi-esclavage pour ne pas mourir de faim comme l’avaient fait leurs parents par millions. Que s’était-il passé ? À quel moment est-ce qu’on s’était plantés ? Les Européens avaient-ils vécu au-dessus de leurs moyens, maintenus par des hommes politiques préférant creuser le déficit plutôt que risquer la défaite dans une indolence qui les empêchait de s’adapter au monde qui naissait autour d’eux ? Ou bien est-ce que c’étaient les multinationales et les élites qui accaparaient la richesse en planquant leur argent et en représentant l’impôt comme une menace à la croissance ? Dans les journaux que lisait Cora, les experts n’arrivaient jamais à se mettre d’accord là-dessus. Ce qui était certain, c’est que les changements du monde lançaient aux entreprises de véritables défis, de sorte qu’elles n’avaient d’autre choix, à leur tout, pour se montrer à la hauteur, que de mettre au défi leurs employés, lesquels mettaient au défi leurs enfants pour qu’ils puissent bientôt affirmer d’une voix nette, au timbre stabilisé, que cela tombait bien car ils se trouvaient eux aussi adorer les défis, et étaient impatients que leurs journées en soient pleines à ras bord.
Souvent, Cora se demandait pourquoi elle persistait à absorber chaque jour une dose de cette rumeur du monde. C’était sons sens du devoir – le plaisir de voir plus large – une volonté de se distraire – une forme de masochisme. Ces discours se présentaient comme autant de gélules d’apparence identique ; certaines allaient libérer, en fondant, les molécules d’une lucidité nécessaire, d’autres les toxines d’idéologies enrobées dans le sucre du bon sens, mais c’était dans des proportions qu’il était impossible de préciser, et on ne savait jamais s’il s’agissait d’effets secondaires inévitables ou d’un projet d’intoxication collective.
Un extrait :
Depuis quelques années, les enfants de l’après-guerre faisaient valoir leurs droits à la retraite. Longtemps, on s’était plu à répéter que ce départ massif ferait enfin baisser le chômage. Cora avait entendu ça toute son adolescence. Sur le papier, c’était logique et ça donnait de l’espoir. Dans la réalité ça ne s’était pas passé comme ça. Les industries semblaient s’être envolées sans retour vers des pays où les gens étaient prêts à se laisser réduire en quasi-esclavage pour ne pas mourir de faim comme l’avaient fait leurs parents par millions. Que s’était-il passé ? À quel moment est-ce qu’on s’était plantés ? Les Européens avaient-ils vécu au-dessus de leurs moyens, maintenus par des hommes politiques préférant creuser le déficit plutôt que risquer la défaite dans une indolence qui les empêchait de s’adapter au monde qui naissait autour d’eux ? Ou bien est-ce que c’étaient les multinationales et les élites qui accaparaient la richesse en planquant leur argent et en représentant l’impôt comme une menace à la croissance ? Dans les journaux que lisait Cora, les experts n’arrivaient jamais à se mettre d’accord là-dessus. Ce qui était certain, c’est que les changements du monde lançaient aux entreprises de véritables défis, de sorte qu’elles n’avaient d’autre choix, à leur tout, pour se montrer à la hauteur, que de mettre au défi leurs employés, lesquels mettaient au défi leurs enfants pour qu’ils puissent bientôt affirmer d’une voix nette, au timbre stabilisé, que cela tombait bien car ils se trouvaient eux aussi adorer les défis, et étaient impatients que leurs journées en soient pleines à ras bord.
Souvent, Cora se demandait pourquoi elle persistait à absorber chaque jour une dose de cette rumeur du monde. C’était sons sens du devoir – le plaisir de voir plus large – une volonté de se distraire – une forme de masochisme. Ces discours se présentaient comme autant de gélules d’apparence identique ; certaines allaient libérer, en fondant, les molécules d’une lucidité nécessaire, d’autres les toxines d’idéologies enrobées dans le sucre du bon sens, mais c’était dans des proportions qu’il était impossible de préciser, et on ne savait jamais s’il s’agissait d’effets secondaires inévitables ou d’un projet d’intoxication collective.
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