samedi 28 février 2015

"Cadillac, l'asile des fous dangereux" de Véronique Lesueur






















Editeur : Hors Collection
Parution : 12 septembre 1999
Nombre de pages : 329
Genre : Document

L'auteure :




















Véronique Lesueur est journaliste. Spécialisée en psychologie et criminologie, elle est l'auteur de plusieurs livres d'enquêtes et de biographies.

Quatrième de couverture :

A Cadillac, en Gironde, "L'unité des malades difficiles" de Boissonnet accueille les fous dangereux qu'on ne veut plus garder ailleurs. Certains sont des malades mentaux dont la violence destructrice perturbe les services des hôpitaux psychiatriques, d'autres sont des déséquilibrés antisociaux, psychopathes, schizophrènes ou pervers sexuels dont les crimes atroces ont fait, l'espace de quelques semaines, la Une de l'actualité.

En un mot, le fond du gouffre.

Et pourtant, les pensionnaires de Cadillac ne font qu'y passer. Quelques semaine, quelques mois de traitement, afin d'abraser les pulsions violentes ou meurtrières de ces fous dangereux, et ils repartent vers la liberté tout court. Certains, une fois soignés, se suicident lorsqu'ils prennent conscience de ce qu'ils ont commis. D'autres récidivent, ou reviennent se "venger"...
Véronique Lesueur a enquêté plusieurs mois à Cadillac, réussissant à approcher les malades et collectant les témoignages des infirmiers, des médecins, d'aliénés imprévisibles et d'assassins déments, au cours d'interviews insolites, fascinantes et terribles."

Mon avis :

Le nom "Cadillac" n'a pas la même résonnance pour tous. Certains penseront immédiatement aux prestigieux véhicules, alors que d'autres songeront à la commune de Gironde réputée pour ses vins blancs liquoreux. Un nom synonyme de luxe et d'opulence, qui fait oublier que Cadillac est aussi un hôpital qui s'est spécialisé dans le traitement des maladies mentales depuis le XVIIIe siècle. On apprend d'ailleurs que jusqu'en 1965, la ville organisait chaque année une "Kermesse des fous", une occasion donnée à la population locale de venir se mêler aux aliénés pour trois ou quatre jours de ribouldingue !  
Si le Centre hospitalier spécialisé de Cadillac abrite des pensionnaires plutôt tranquilles, il en est tout autre pour le site de Boissonnet construit sur le même domaine. Hautement sécurisée et surveillée, cette portion de l'hôpital fait partie des dix UMD (Unité pour malades difficiles) présentes en France (on ne comptait que cinq unités à l'époque où Véronique Lesueur a publié ce document).

La caractéristique commune de ces malades ? Ils présentent tous un danger pour la société ou pour eux-mêmes (parfois les deux). Quand la psychiatrie dite "classique" a échoué, l'UMD reste la solution de dernier recours. Dans ces unités, on retrouve principalement des détenus condamnés (D.398), des patients reconnus comme pénalement irresponsables (médico-légaux) et des malades qui présentent des troubles majeurs du comportement (principalement des psychotiques). 
La plupart de ces hommes appelés péjorativement "les fous dangereux", agissent sous l'impulsion d'automatismes mentaux souvent aggravés d'hallucinations. Les équipes soignantes doivent redoubler de vigilance face à ces patients aux comportements parfois violents et inattendus.  
Afin de canaliser et d'endiguer leur violence, les équipes soignantes proposent des séances d'ergothérapie dont l'objectif est de renforcer l'effet des thérapies classiques et des traitements médicamenteux : des ateliers d'artisanat et des séances de sport en salle, en présence de nombreux miroirs incassables afin de leur apprendre à réapprivoiser une image souvent morcelée. Des soins qui ne suffisent pas toujours à juguler leurs pulsions destructrices, les infirmiers sont parfois obligés d'appliquer la solution extrême : "la contention-injection".
"Cadillac" ? Une enquête à haut risque pour cette journaliste intrépide, qui n'a pas hésité une seconde à aller à la rencontre de cette population hors-norme, parfois ébranlée par des faces-à-faces très éprouvants : tueurs d'enfants dépourvus de remords ; patients ultra-agressifs comme ce malade réfractaire au contact physique qui n'accepte d'être touché qu'avec un bâton ou ce patient qui en état de crise se montre capable de soulever une plaque d'égout avec la seule force de son petit doigt... 
Le Boissonnet regorgeant de surprises, il arrive aussi  que l'on y fasse des rencontres du "troisième type", tel ce schizophrène paranoïde ramassé sur la rocade de Bordeaux alors qu'il s'en prenait violemment aux passants en leur réclamant du jus de pamplemousse pour alimenter son vaisseau spatial (baptisé Amour) et rejoindre sa petite planète bleue. Pour l'aider à s'épancher, son thérapeute lui remettra un carnet et un crayon, l'invitant à rédiger un journal dont voici un extrait :

"Lundi  vinte n'euf mars mille n'euf sang quatre vins 13

20h15 minute papillon. Je suis dans le salon en compagnie du copilote Alain et du laveur de chiottes Alfred. Alfred tire sur un joint éteint depuis trois quarts d'heures. Il n'arrête pas de de m'emmerder avec son pied à coulisse, pour mesurer mes oreilles, mes yeux et le nez, et la bouche, et la tête, alouette. Accroché à la table d'à côté, Pompier triche au rami avec Philippe et richard. La partie est serrée comme un écrou sur un boulon. Pompier risque d'y perdre sa paye, sa chemise, son froc et ses bretelles. Ma vue ne baisse pas trop car j'arrive à écrire sur mon carnet de bord avec mes lorgnons."

Stabilisé, il changera de base quelques mois après... Rejoignant l'unité de psychiatrie de l'hôpital de Grenoble !

Voilà un ouvrage paru il y a un peu plus de quinze ans, mais qui est loin d'être obsolète. Le flot des arrivées en UMD ne cessant de croître, la France a vu doubler son nombre de structures sécurisées depuis le passage de Véronique Lesueur dans les murs de Cadillac... Est-ce suffisant ? Pas vraiment... Surtout quand on sait que 25% de la population pénale souffre de troubles psychotiques graves* !

* Selon les chiffres du rapport 2011 de l’OIP



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