Parution : 05/01/2011
Traduction : Valérie Malfoy
Nombre de pages : 382
Genre : Littérature américaine
L'auteur :
Né en 1983, Stefan Merrill Block a passé son enfance à Plano, au Texas et a fait ses études à l'Université Washington (Saint-Louis). Il vit aujourd’hui à Brooklyn. "Histoire de l’oubli" est son premier roman, inspiré par sa grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Quatrième de couverture :
Un impressionnant premier roman sur la maladie d'Alzheimer.
Un impressionnant premier roman sur la maladie d’Alzheimer.Ce livre a déjà été salué dans les pays anglo-saxons comme un authentique chef-d’œuvre, et […] son souffle romanesque comme sa tonalité étrangement naïve méritent haut la main de conquérir le vieux continent.
Nicolas Ungemuth, Le Figaro magazine.
Une fascinante performance narrative, centrée sur le bien-être qu’on peut attendre de l’oubli. Tout simplement admirable. Sans doute la genèse d’une grande œuvre.
Pierre-Robert Leclercq, Le Monde des livres.
Mon avis :
"Un lieu sans pensée, idéal. Un endroit délivré du passé comme du futur. Un endroit où, ne se souvenant de rien, on ne pouvait rien perdre. Un endroit où, pour cibler ses désirs, il suffisait d’imaginer.", tel est le royaume d'Isidora, le pays de l'oubli imaginé par Stephan Merrill Block, un monde où la mémoire est gommée, un territoire où le langage n'est pas fondé sur les mots mais sur le toucher, un lieu où prime la nature et où l'homme a oublié jusqu'à la valeur de l'or.
Seth, un adolescent surdoué, se retrouve confronté à la maladie de sa mère, atteinte d'une pathologie rare, une variante précoce et héréditaire de la maladie d'Alzheimer. Le jeune garçon assiste impuissant, au fil des années, au déclin progressif et inéluctable des fonctions cognitives de sa génitrice. Une violente chute dans l'escalier va entraîner son hospitalisation dans ce que Seth préfère nommer "La Salle d'Attente", un centre de soins palliatifs pour vieillards en fin de parcours. Le jeune garçon auquel on a toujours caché ses origines, va partir sur la trace de ses ancêtres et enquêter sur la genèse de cette mystérieuse maladie...
Abel, un bossu septuagénaire vivant reclus, est sur le point d'être expulsé de sa vieille ferme délabrée. Ses voisins voient d'un mauvais oeil cette masure et son excentrique habitant qui pour eux font tache dans le paysage. Le vieil homme, refugié dans son passé, vit au milieu de ses souvenirs, dans l'espoir du retour de Jamie, la nièce qu'il a aimé comme une fille et qui reste la seule représentante d'une famille décimée. Il se souvient de l'improbable ménage à trois formé avec son frère jumeau et sa belle-soeur pour laquelle il éprouvait un amour interdit, du retour de son frère Paul de la guerre complètement brisé et de la progressive plongée de ce dernier dans les abîmes de la folie ...
Quels liens relient le vieil ermite et le jeune adolescent surdoué ? Qu'est devenue Jamie ?
Je dis chapeau à ce jeune auteur qui a réussi le pari improbable de nous livrer un roman subtil, brillant et non sans quelques pointes d'humour, sur un thème sensible et loin d'être réjouissant comme la maladie d'Alzheimer. Avec de réels talents de conteur, c'est une véritable épopée de l'Alzheimer familial qu'il nous brosse (une variante de la maladie imaginée par l'auteur), un récit émouvant, captivant de bout en bout, peuplé de personnages attachants et tellement crédibles que l'on se dit pour chacun d'eux qu'ils pourraient être l'un de nos proches.
Ce voyage imaginaire au pays d'Isidora m'a vraiment embarquée et je ressors secouée par cette lecture qui me donne envie d'en savoir plus sur cette maladie neurodégénérative incurable qui touche une part de plus en plus importante de la population, l'espérance de vie allant en s'accroissant. Cette "Histoire de l'oubli" est une lecture intelligente qui sort des sentiers battus de part l'originalité du thème abordé. Je la conseille vivement !
"La vie, cette copiste qui s'ennuyait, accomplissait jusque-là laborieusement son interminable et insensé projet, repétant le même vieux langage à travers des générations, procédant parfois à des substitutions, arrangements, erreurs, comme pour rendre les choses plus intéressantes. Par exemple, dans l'ADN des primates, un segment du code qui se lisait :
CAGTACTGTACATGGGATACTTTA
Pouvait devenir :
CAGTACTGTACATGGGATACTTTT
Et un primate se retrouvait avec un troisième téton, ou une ouïe surdéveloppée, ou un pied palmé. Mais c'était tout.
Or ces deux supernovae, tels des éditeurs à l'esprit critique surdéveloppé, corrigèrent le récit infracellulaire des primates en fonction de leurs propres exigences, avec des jets de radiations en guise de pointe feutre rouge dans le code génétique.
"Pour commencer, dirent les supernovae, la posture de ces créatures ne ressemble à rien. Et si elles se tenaient debout, bon sang ? Et ces mains qui pendent le long du corps - si on leur faisait manier des outils ? J'aime bien les scènes de sexe, mais on pourrait je crois les améliorer. Et l'idée du sexe pour le sexe ? Et puis, elles manquent de motivation. Et si on les dotait d'un niveau de raisonnement supérieur ? Ça relancerait l'intrigue. Enfin, c'est juste une idée...
À propos, ces créatures vivent une chose après l'autre. Ça manque de fil conducteur. Il faut absolument les doter d'une mémoire plus developpée."
Et, coup de génie cruel : "Personne ne semble impliqué dans la réalisation d'un projet quelconque... Et si on en faisait des insatisfaits chroniques ?"
Touche finale, peut-être sous l'effet d'une ironie mordante, les supernovae firent le premier Homo erectus (et par là nous autres) aussi nu que le cul d'un orang-outan."
En tous les cas, l'enthousiasme de ton billet me donne sacrément envie de me plonger dans cette histoire.
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