mercredi 15 février 2012

L'appât de José Carlos Somoza























Editeur : Actes Sud
Traduction: Marianne Millon
Parution : 05/10/2011
Nombre de pages : 410
Genre : Littérature hispanique

L'auteur :














José Carlos Somoza est né à La Havane en 1959, il publie son premier roman en 1994 et abandonne sa carrière de psychiatre. La traduction anglaise de La Caverne des idées lui permet d'être distingué par le Gold Dagger Prize en 2002.  Traduite dans le monde entier, son œuvre en France est publiée par Actes Sud. Il est l'auteur de Clara et la pénombre (2003) La Dame n° 13 (2005), La Théorie des cordes (2007), Daphné disparue (2008) et La Clé de l’abîme (2009).

Quatrième de couverture :

Lever de rideau. Ici une bretelle noire glisse sur une peau diaphane, là des yeux mi-clos quémandent un improbable pardon : parure et posture. Elles charment et abusent les sens, elles disent qui est le maître. Si le grand ordonnateur de ce manichéisme visuel s'appelle Shakespeare, nous ne sommes pas sur les planches du théâtre du Globe mais dans le centre de formation ultramoderne de la police madrilène. Des instructeurs y décryptent les codes élisabéthains, qui placent la satisfaction du désir à l'épicentre de notre psyché. Les agents sont formés à la technique des "masques" : identifier en quelques secondes la nature du désir le plus profond du suspect pour provoquer en lui une overdose du seul plaisir auquel il ne peut résister. On les appelle les "appâts", Diana Blanco est leur meilleur élément.
Quand elle découvre que sa jeune soeur est aux prises avec l'insaisissable Spectateur qui terrifie la ville, elle mène une course contre la montre qui la conduit jusqu'à l'antre du monstre. C'est du moins ce qu'elle croit.

Subversif ? Troublant ? Inventif ? Ingénieux ? C'est Comme il vous plaira. Mais si "Le monde entier est un théâtre", José Carlos Somoza signe ici une magistrale mise en scène.

Mon avis :

"Le monde entier est un théâtre, Et tous les hommes et les femmes seulement des acteurs". Toujours dans le registre du roman d'hypothèse, José Carlos Somoza s'est inspiré des pièces de théâtre de William Shakespeare pour construire l'intrigue de son nouveau roman.
L'histoire se déroule dans un futur proche, après un attentat terroriste à la bombe nucléaire. La technologie étant devenue impuissante dans la traque des criminels en tous genres, les forces de polices forment des "appâts"ou pièges vivants, selon des théories basées sur une nouvelle branche de la psychologie : l'étude du psynome. Celle-ci correspond à une expression quantifiable de nos désirs semblable à celle du génome, les comportements, les gestes et le ton des personnes étant rassemblées en groupes aux caractéristiques communes surnommées "philias" . 
Les appâts forment une nouvelle armée secrète d'hommes et de femmes qui sont de véritables machines à broyer.  Formés à reconnaître les "philias" propres à chacun, cette aptitude particulière leur permet de supprimer les criminels les plus redoutables. Ils utilisent la technique des "masques", une représentation théâtrale basée sur l'oeuvre de Shakespeare qui leur permet de les éliminer en leur renvoyant, tel un miroir, un reflet mortel de leurs désirs. 
Diana, l'un des meilleurs appâts jamais formé, va partir sur les traces d'un redoutable tueur en série, "le spectateur", qui a enlevé sa jeune soeur ...
Une fois de plus, José Carlos Somoza m'a surpris par son inventivité et son érudition. Il a la faculté de donner naissance à des personnages à la psychologie fouillée, toujours crédibles. Psychiatre de formation, il connaît bien les tréfonds et les travers de l'âme humaine, ce qui lui permet de jouer avec notre imaginaire, nos peurs les plus profondes, nos rêves, désirs et fantasmes inavoués et de créer des ambiances toujours plus effrayantes et envoûtantes au fil de ses œuvres.
Lire José Carlos Somoza, reste cependant un exercice ardu et une plongée violente dans les  profondeurs de la psyché humaine, l'auteur ne ménageant à aucun instant son lecteur ! Une lecture que je déconseille donc aux âmes les plus sensibles, certains passages de ce roman étant particulièrement durs et pouvant les heurter assez violemment. Vous voilà prévenus !

Un extrait :

"- Bonjour, dit-il.
Il n'y a pas d'expérience comparable à celle de voir un monstre.
Je ne parle pas de ces photos de police que choisissent les médias afin d'essayer de nous montrer à quel point ils semblent retors ou normaux, mais du fait de les voir dans leur monde, dans leur environnement, à quelques centimètres de notre visage.
J'en ai vu plusieurs, et, si différents qu'ils puissent sembler, ils partagent tous une caractéristique. Aussi remarquable que leur bouche, leur nez ou leurs yeux. Aucun acteur, dans aucun film de psychopathes, n'a su la jouer. C'est leur particularité inimitable.
Voilà en quoi elle consiste : le monstre ne vous voit jamais. Il peut vous regarder ou non, rester silencieux ou non, vous mépriser ou s'intéresser à vous, rire de vos plaisanteries ou vous accompagner dans les pleurs. Peu importe ce qu'il fera, ou là ou il dirigera le regard, il ne vous verra jamais. Et quand vous contemplez un monstre pour la première fois, c'est exactement ce que vous remarquez. Pour le monstre, vous êtes invisible.
Je n'en connais pas la raison. Je ne suis pas une scientifique. Gens affirmait que c'était dû au fait qu'ils se consacraient entièrement à leur psynome. Ils vivent tournés vers l'intérieur. C'est comme si leurs yeux avaient été placés à l'envers, les pupilles noires dirigées vers l'intérieur sombre de leurs crânes et le globe blanc, improductif, penché sur l'orbite. Il s'agit d'un fait très rare, et je suis paralysée chaque fois que j'ai l'occasion de le constater, car j'ai toujours cru que tout ce qui possède un visage, qui vous regarde, parle et sourit, est un être humain.
Mais il y a des exceptions."

Pour aller plus loin :

Une intéressante interview de José Carlos Somoza dans Sciences et Avenir,"La surenchère technologique aboutit à une impasse"(décembre 2011)  :

http://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/20111206.OBS6105/la-surenchere-technologique-aboutit-a-une-impasse.html


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2 commentaires:

  1. Je ne connais pas cet auteur et la lecture du résumé m'aurait peut être fait hésiter.
    Mais ton billet m'intrigue, je vais surement y regarder de plus près quand je le croiserais à la librairie.
    Merci pour cette découverte.

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  2. Cécile, j'ai lu l'intégralité des oeuvres de José Carlos Somoza publiées à ce jour, et c'est à chaque fois une nouvelle expérience de lecture enrichissante, qu'il écrive sur la peinture, la théorie des cordes, la poésie ou le théâtre !

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